
L'énergie marémotrice
Les usines marémotrices utilisent le marnage pour produire de l’électricité en exploitant la différence de hauteur entre deux bassins séparés par un barrage. Le cycle complet d’une marée se compose d’un mouvement montant qui est à son maximum à marée haute, et d’un mouvement descendant qui s’achève à marée basse.
Les usines marémotrices et les marées
Les usines marémotrices sont des usines hydroélectriques comprenant un barrage séparant la mer d'un ou plusieurs bassins entre lesquels on crée une différence de niveau des eaux utilisée pour mouvoir une ou des turbines générant de l’électricité.
Il existe deux techniques pour convertir l’énergie des marées en électricité : utiliser l’énergie potentielle de l’eau, grâce aux variations de niveau d’eau entre marée haute et marée basse, ou utiliser l’énergie cinétique des masses d’eau mises en mouvement par le flux et le reflux (courants de marée).
Le fonctionnement d'une centrale marémotrice
Quels critères répondent à l'installation ?
Un bras de mer ou un estuaire en zone de fort marnage est équipé d’une infrastructure qui met en œuvre des turbines de basse chute actionnées par le flux d’eau de mer entre les deux bassins (situés à des niveaux différents). Les conditions naturelles favorables à l’implantation de sites marémoteurs sont :
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Un marnage supérieur à 5 mètres, idéalement entre 10 et 15 mètres (pour la Rance 13,50 mètres de marnage lors des grandes marées - aux équinoxes - qui correspondent à un marnage moyen de 8,2 mètres)
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Une profondeur de 10 à 25 mètres sous les basses mers,
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Un substrat rocheux (ou sablo-graveleux) pour fixer les fondations de l’infrastructure.
Il est courant de distinguer deux grands types d’infrastructures marémotrices : le simple bassin et le double bassin.
Le simple bassin consiste à barrer un bras de mer par un ouvrage capable de retenir un important volume d’eau. Le barrage délimitant le bassin est percé d’ouvertures, certaines étant dotées de vannes simples, d’autres étant dotées de vannes munies de turbines. Par exemple, la centrale de Rance est composée de 24 travées contenant autant de turbines et d’un barrage mobile constitué de 6 vannes (de 15 x 10 m). Il existe alors trois techniques de production d’énergie électrique :
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Le «simple effet au vidage» : le bassin de retenue est, avec les vannes fermées, «clôturé» à marée haute. Ensuite, on ouvre les vannes lorsque le niveau de la mer est redescendu suffisamment bas pour faire fonctionner les turbines (ou « bulbes ») connectées à des alternateurs ;
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Le «simple effet au remplissage» : à l’inverse, on isole le bassin de retenue à marée basse afin d’obtenir une différence de hauteur au fur et à mesure de la marée montante. Lorsque la marée est haute, on ouvre les vannes et l’eau pénétrant dans le bassin de retenue par les vannes fait tourner les turbines. Cette méthode nécessite de conserver un niveau bas dans le bras de mer (côté bassin de retenue) sur une longue durée et peut poser des problèmes environnementaux et d’usages pour la navigation ;
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Le «double effet» : on fait tourner les turbines à la fois lors du remplissage et lors du vidage, ce qui offre une plage de production plus longue (exemple de la Rance). Des pompages complémentaires permettent d’optimiser les différences de niveau tout en préservant le bilan énergétique.


Le double bassin consiste à rajouter un bassin artificiel, situé plus bas que le niveau de la mer (y compris à marée basse). Compte tenu du décalage quotidien de l’heure de la marée, la production électrique est disponible certains jours à l’heure de pointe et d’autre jour en période de faible consommation. Un bassin supplémentaire permet l’exploitation d’une différence de potentiel quelle que soit la hauteur d’eau de la mer. Il constitue un moyen de stockage (comme une STEP) pour une meilleure maîtrise de la production en conjuguant turbinage et pompage. Ce dispositif offre des plages de production plus longues mais nécessite une infrastructure plus complexe et plus coûteuse. De tels dispositifs nécessiteraient toutefois des endiguements plus longs et seraient donc plus coûteux. Ils supposent en outre de faibles profondeurs d’eau, donc des zones déjà fortement convoitées pour d’autres usages.

Point sur les turbines
La turbine permet de transformer l'eau qui s'échappe de la conduite blindée en énergie de rotation. La forme et les caractéristiques des turbines dépendent des catégories d'installations hydroélectriques dans lesquelles elles sont employées. Elle transforme l'énergie hydraulique en énergie mécanique. La turbine a remplacé la roue à aubes qui était utilisée jusqu'au 19ème siècle dans les moulins à eau. Le rendement d'une turbine (de l'ordre de 70%) est nettement supérieur à celui de la roue hydraulique (20%). Elle comprend des organes fixes, de réglage et une partie mobile (roue). Les organes fixes et de réglage ont pour rôle essentiel de diriger l'eau sur la roue dans les meilleures conditions. La partie mobile est destinée à produire un couple moteur sur l'arbre en transformant le maximum de la puissance disponible en puissance mécanique.

Il existe plusieurs types de turbines (La turbine Fourneyron, la turbine Girard Radiale, la turbine Francis, la turbine Kaplan, la turbine Pelton, la turbine Bank). Cependant, nous allons nous intéresser à un type seulement de turbine : la turbine groupe bulbe qui est en quelque sorte une évolution de la turbine de type Kaplan. Ces groupes fonctionnent quelque soit le sens du courant traversant les turbines. L'usine marémotrice de la Rance en est équipée de 24 produisant 10 megawatts chacune.
Pour son cas uniquement, quel que soit le cycle de fonctionnement, un système de pompage peut être activé pour augmenter le niveau du bassin. Cela permet d’amplifier et d’anticiper la production en fonction des besoins en électricité du réseau.
Etude de l'usine marémotrice de la Rance
L'énergie hydraulique, première des énergies renouvelables au monde, est une composante essentielle du parc de production d'électricité d'EDF qui compte près de 5oo centrales hydrauliques et plus de 6oo barrages en France.
Quelques faits sur l'usine :
L'usine marémotrice de la Rance est située dans un estuaire étroit (750m), au niveau de La Richardais, St Malo. Les études pour la réalisation de l’usine marémotrice de la Rance on duré 18 ans (de 1943 à 1961)! La construction s’est effectué de 1961 à 1966 et a nécessité l’assèchement d’une partie de l’estuaire grâce à des batardeaux. L’usine aura coûté au total 95 millions d’euros. Aujourdh'ui, le coût de production d’électricité est évalué à 0,12 euros / kWh.
Fonctionnement :
Chacun des 24 groupes bulbes du barrage se trouve dans un conduit hydraulique qui assure le passage de l'eau. Suivant le sens d'écoulement, la turbine tourne dans un sens ou dans l'autre et entraine un alternateur qui produit de l'électricité. Chaque groupe tourne à près de 94 tours par minute, produisant une puissance de 10 MW. Les groupes bulbes installés dans l’usine marémotrice permettent aussi de pomper l’eau. En fin de marée montante, le groupe fonctionne « à l’envers » et pompe de l’eau côté mer afin d'augmenter le niveau d'eau côté bassin. La production est ainsi plus importante car la hauteur de chute est plus grande lors de l’utilisation du surplus d’eau. Par ailleurs, le pompage permet de diminuer le temps d’étale (temps entre deux marées) dans le bassin car le turbinage peut recommencer plus rapidement.
L’espacement entre les pales et Ie conduit est de quelques millimètres à peine. Pour que la rotation se fasse sans problème, il est donc nécessaire de conserver un parfait état de surface. Cependant, l'eau de mer corrode très rapidement un métal ferrique comme celui des groupes bulbes. L'emploi de matériaux inoxydables et de revêtements spéciaux ne constitue pas une protection suffisante. La protection cathodique a donc été utilisée : l'établissement d'une faible tension entre une couronne de plusieurs anodes et le groupe bulbe, qui fait office de cathode, permet d'empêcher la corrosion.
Les anodes de la protection cathodique sont des petits disques répartis en couronne, chaque groupe bulbe comprend 3 couronnes de 12 anodes. Elles sont alimentées par une tension de 10 volts et envoient un signal électrique permanent en direction du groupe bulbe.
Pendant les périodes de grandes marées, l'usine est en mode de fonctionnement dit «inversé››, c'est à dire que les groupes bulbe produisent de la mer vers le bassin. L'ouverture des vannes du barrage provoque alors de très forts courants côté bassin et côté mer en début de marée montante et descendante.


Différents types de barrage :
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Un barrage poids utilise sa propre masse pour résister à la pression exercée par l'eau.
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Un barrage voute est un ouvrage en béton de forme courbe qui reporte les efforts de poussée de l'eau sur les rives rocheuses.
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Un barrage mobile a une hauteur limitée. Il est généralement édifié en plaine dans le lit des grands cours d'eau. C'est le cas de l'usine marémotrice de la Rance.

Écologie:
EDF assure protèger la faune et la flore aquatique. Ex : un débit minimum nécessaire au développement aquatique est maintenu afin de garantir la vie et la reproduction des espèces. La qualité des eaux en amont et aval des barrages est contrôlée. EDF réalise également des ouvrages de franchissement pour que le barrage ne constitue pas un obstacle pour les poissons migrateurs. Plus de 70 espèces de poissons et plus de 20 000 oiseaux de 230 espèces différentes ont été recensés dans l'estuaire de la Rance. EDF assure que l’usine produit une énergie propre, renouvelable, prédictible et perpétuelle en utilisant la force des marées et sans émission de gaz à effet de serre. Depuis sa création, un nouvel équilibre écologique s'est instauré avec une faune abondante et diversifiée. La régularité des marées étant maintenue, l'usine respecte les espèces vivant dans l'estuaire.
Dans le bassin, la pêche professionnelle est réglementée et gérée durablement par quotas. L'estuaire est un milieu écologique exceptionnel par sa position à mi-chemin entre mer et rivière. C'est une zone humide de première importance, mêlant eau salée, douce ou saumâtre et offrant de nombreuses vasières. La phase de construction de l'usine de la Rance a modifié l'écosystème. Mais depuis, EDF assure qu'un nouvel équilibre s'y est instauré: là où l'eau se retirait totalement auparavant, un niveau minimum est désormais maintenu dans le bassin, créant un espace riche, où de nouvelles espèces se sont installées. La Rance est redevenue un habitat foisonnant en termes de faune et de flore.
Avantages et inconvénients
D'un pont de vue positif, la production d'électricité est prévisible grâce au coefficient des marées que nous sommes capables de calculer. Le risque d’accident technologique (rupture du barrage) est quasiment nul et l’ouvrage peut faire office de pont pour les voitures et les passants par exemple. Il y a aussi le côté écologiqe qui est bien sûr très important. En effet, en plus de produire une électricité durable, l'usine marémotrice de la Rance a permis de récréer un écosystème qui n'existait pas avant en maintenant un niveau d'eau minimum là où il n'y en avait pas tout le temps avant le barrage.
Cependant, le fonctionnement de l'usine est intermittent et ne peut être continu puisqu'il dépend évidemment des marées. Sa construction a aussi été un véritable bouleversement pour l'écosystème local: une partie de l'estuaire a du être asséchée à l'aide de batardeaux pendant près de 3 ans. On observe aussi une tendance à la sédimentation dans les anses et dans la partie amont de l’estuaire qui se serait accélérée depuis la construction du barrage.
Nombre d’usines marémotrices à travers le monde
Actuellement, on recense 5 usines marémotrices en fonctionnement à travers le monde :
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L’usine marémotrice de Sihwa, dans la baie de Kyung Ki (Corée du Sud). Elle dispose d'une puissance installée de 254 MW, plus que les 240 MW de l’usine de la Rance.
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Le barrage Annapolis Royal date de 1968, au Canada, avec une puissance de 20 MW. Sa production annuelle de 50 millions de kWh alimente 4 500 foyers. Son marnage moyen est de 6,4 mètres.
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L'ouvrage de Jiangxia (Chine) est en service depuis 1980 et a une puissance de 3,2 MW pour un marnage moyen de 5 mètres.
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La centrale de Kislaya Guba (Russie) est en activité depuis 1968 et a une puissance de seulement 0,4 MW avec un marnage moyen de 2 ou 3 mètres.
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L’usine marémotrice de la Rance (en Bretagne) a une production de 240 MW.
Une usine marémotrice géante serait à l’étude en Angleterre, dans l’estuaire de la Severn. Elle comprendrait entre 60 et 90 turbines, de quoi produire entre 1 800 et 2 800 mégawatts.