
L'énergie des hydroliennes
Contexte
Il existe de nombreuses façons d’exploiter les énergies marines, notamment grâce à la houle, aux courants, à la biomasse algale, à la marée et à l’énergie thermique. Cependant, ces moyens ne sont pas encore trés développés et c’est pourquoi les prototypes d’hydroliennes, qui utilisent les courants et marées, sont encore à l’essai dans la plupart des entreprises qui essayent d’obtenir une certaine fiabilité et viabilité par rapport à ces nouvelles technologies.


D’aprés les chiffres d’EDF, les énergies marines représenteraient une part infime de la production d’électricité en France, elle serait aussi la dernière parmi les energies renouvelables, pourtant, la France concentre 20 à 25 % du potentiel hydrolien de l'Europe, après le Royaume Uni. L'objectif d'EDF est d'atteindre un coût compétitif pour l'hydrolien d'ici 2020. Il l'estime aujourd'hui à environ 500 euros du mégawattheure soit huit fois plus que le prix du marché actuel.

Fonctionnement des hydroliennes
Le principe de l’hydrolienne est d’utiliser l’énergie cinétique de l’eau. Sa puissance nominale peut atteindre 1 MW et plus si elle est située en mer; en rivière et en fleuve sa puissance ne dépasse pas 400 kW.
De quoi est composée une hydrolienne ?
Le dispositif est composé de pales (hélices réceptrices qui récupèrent de l'énergie grâce au fluide), d’un mât, d’un rotor, d’un générateur (ici on parlera d’alternateur car l’hydrolienne fournit un courant alternatif), d’un multiplicateur, d’un flotteur et d’un stabilisateur. La turbine de l’hydrolienne transforme l'énergie hydraulique en énergie mécanique, l’alternateur va enfin transformer l’énergie mécanique en énergie électrique.

Comment ça marche ?
Les pâles sont d’abord actionnées par la force des courants (elles effectuent entre 10 à 20 tours par minute pour les grandes hydroliennes marines), le stabilisateur va permettre aux pales de toujours être en opposition au courant, pour que l'hydrolienne soit en rotation par rapport au sens du courant; les pales vont ensuite entrainer la turbine. Ainsi, la turbine va, elle-même, entrainer un ou plusieurs rotors (électroaimant), placés à l’intérieur d’un stator. Le rotor et le stator sont les composants d’un alternateur. Il faut savoir que la vitesse de rotation de l’hélice étant trop faible pour produire du courant, on utilise un multiplicateur (le plus souvent celui à engrenages) pour augmenter la puissance. Par la suite, l’électricité crée est transportée jusqu'à un quelconque rivage, grâce à des cables sous marins. Afin de stocker cette énergie, on utilise la plupart du temps, des batteries alcalines. L’électricité est donc stockée de manière chimique. Un flotteur, mis en place durant l'installation de l'hydrolienne, permet de lever ou d’abaisser l’hydrolienne, facilitant sa maintenance. L’hydrolienne fonctionne de manière réversible en général, selon le cycle des marées (haute puis basse).


Maintenance
La maintenance est particulièrement difficile à cause du milieu marin, riche en sel et donc très corrosif pour les machines. Une hydrolienne, selon le prototype, ne peut pas toujours remonter à la surface; l’envoi de plongeurs ou encore de bateaux spécialisés (parfois même des barges) pour la remonter à l’aide de gros treuils est parfois nécessaire. Un projet de recherche permettant de protéger les éoliennes en mer vient de démarrer dans le but d'allonger la durée de vie des trépieds et autres structures porteuses, aujourd'hui estimée entre 20 et 25 ans. La résine époxy actuellement utilisée s'applique en plusieurs couches qui durcissent après séchage mais cette méthode n’est pas idéale ni forcément respectueuse de l'environnement.

Hydrolienne sur le site de l'EMEC en Écosse

Hydrolienne montée sur un mât, dans la baie de Fundy
Un projet mené par l'IWES (Institute for Wind Energy and Energy System Technology) vise à envelopper les tuyaux et autres matériaux nécessaires à la construction des fondations d'une seule couche thermoplastique permettant une protection anticorrosion de plus de 25 ans. Certaines hydroliennes, comme pour les turbines kaplan de l’usine marémotrice de la Rance, sont equipées d’une protection cathodique. Le biofouling (formation d'une couche gênante d'êtres vivants sur une surface artificielle en contact permanent ou fréquent avec de l'eau) est aussi un facteur de dégradation d’une hydrolienne. Pendant son immersion et afin de lutter contre ces micro-organismes marins qui se sont collés à la surface, on emploie une antifouling (peinture antisalissure) contenant des biocides.
Critères d'installation
Les sites côtiers sont privilégiés car ils diminuent le coût de transport de l’électricité produite par l’hydrolienne jusqu’à la terre ferme. Ils facilitent aussi la fixation de celles ci sur les fonds marins étant donné qu'il est préférable que les fonds ne soient pas recouverts de sédiments; c’est pour cela que les hydroliennes sont le plus souvent placées sur un fond trés rocheux comme en Bretagne (granite). Cependant, les ingénieurs s’assurent toujours qu’il y ait des « poches de sédiments » permettant d’enfouir les câbles à une certaine profondeur. Ceux-ci doivent aussi respecter les parcs ostréicoles, les herbiers et les zones de mouillage. Un courant froid favorise aussi l’installation d’hydroliennes car l’eau chaude est moins dense que l’eau froide, elles produisent donc davantage de courant en milieu froid.
La loi de Bernoulli dit que lorsqu'une section d'un tube de courant se resserre, la pression diminue et la vitesse augmente. Il est alors nécessaire de s’intéresser aux endroits du monde répondant à ce critère (côtes bretonnes ou embouchures de fleuve) pour obtenir le meilleur rendement possible. La profondeur idéale se situe entre 40 et 80 mètres et les courants doivent au moins être de 7km/h. Il faut savoir que la France et le Royaume Uni concentrent 80% du potentiel hydrolien.
Avantages et inconvénients
Points positifs de l’hydrolienne :
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Elle produit plus d'énergie qu'une éolienne puisque la densité de l'eau est 800 fois plus élevée que celle du vent.
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On ne la voit pas, elle ne fait pas du bruit.
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Elle ne produit aucune pollution.
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Son énergie est inépuisable.
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Elle ne perturbe pas l’écosystème marin (la vitesse de rotation des pales étant bien trop lente pour affecter la vie des poissons).
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Comme pour l’énergie marémotrice, on peut prévoir la production d’électricité à l’avance (marées pouvant être calculées au préalable).
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Elle est située dans une de turbulences qui empêche le dépôt de sédiments.
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La présence des hydroliennes pourrait avoir un effet de récif (augmentation de la population des espèces présentes et création de coraux).
Points négatifs de l'hydrolienne :
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Elle peut devenir un obstacle supplémentaire pour le trafic maritime.
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Le production d’électricité qu'elle génère ne peut pas concurrencer celle produite par les centrales nucléaires.
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Elle constitue une zone de turbulence pour la flore (néanmoins les sites concernés sont des sites à courant très fort ou la flore y est rare).
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Elle présente des difficultés d’accès pour entretien et installation (dépendant de la proximité de l’hydrolienne, ceci n’étant pas le cas quand l’hydrolienne utilise l’énergie des marées).
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Le prix au mégawattheure est peu compétitif.
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La maintenance nécessite l’utilisation de produits toxiques pour la faune et la flore marine.
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Les hydroliennes subissent beaucoup de corrosion.
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Les champs électromagnétiques venant des connexions et câbles électriques pourraient interférer avec les champs électromagnétiques qu’utilisent les poissons ex : requins, pour repérer leur proie.
Les différents types d'hydroliennes
Ils existent de nombreux types d’hydroliennes, certaines sont en surface, et d’autres se situent plus en profondeur:
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Les hydroliennes à axe horizontal sont fixées au sol marin par un socle; elles possèdent souvent une partie hors de l'eau, pratique pour la maintenance. Il s’agit à l’heure actuelle du principal type d’hydrolienne en développement à l’échelle mondiale.
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Les hydroliennes à axe vertical ont été brevetées par LEGI; leur fonctionnement est similaire à celui d’une éolienne à axe vertical. Le tout est fixé à une base flottante amarrée.
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Les hydroliennes Hydro-Gen ou à roue flottante se situent à la surface de l'eau; elles ressemblent à des moulins à vent et sont basées sur un concept exclusif de grosses roues à aubes flottantes, insérées dans un catamaran tuyère et amarrées par des lignes de mouillages sur le fond de la mer.
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Les hydroliennes de type «chaîne» sont des enchaînements d'hélices placés sur les fonds marins, souvent placées près des côtes ou à l'embouchure des fleuves.
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Les hydroliennes à turbine libre sont le projet de la société Florida Hydro Power and Light, qui les placerait dans le courant du Gulf Stream.
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Les hydroliennes de type rideau constituent un enchainement vertical d'hydroliennes transverses, possédant un flotteur, à la surface de l'eau.
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Les hydroliennes à ailes oscillantes imitent le battement de la nageoire d’un poisson. Une pale est attachée à un bras qui monte et descend sous la poussée de l’eau.
Les sites à fort potentiel
On estime le potentiel mondial, techniquement exploitable, des hydroliennes à 450 TWh/an. Les zones favorables à leur développement sont les lieux où la vitesse des courants est supérieure à 1 m/s et la profondeur d’eau supérieure à 20m pour que la turbine puisse avoir une puissance suffisante. En bordure de côtes, on observe une augmentation de vitesse des courants. L’énergie produite par le mouvement des masses d’eau est donc plus importante.

En France, les côtes Nord-Ouest ont un potentiel important en raison de courants de marées puissants. Les sites éligibles sont cependant peu nombreux : Raz Blanchard (varie de 3.1 m/s à 6.2 m/s pendant le flot et de 2.1 m/s à 4.6 m/s pendant le jusant), Fromveur (4.6 m/s et parfois 3.6 m/s à mi-marée), Raz de Sein (3,6 m/s pendant le flot et 3.1 m/s pendant le jusant) Héaux de Bréhat (2.1 m/s pendant le flot et 1.5 m/s pendant le jusant) ou encore Raz de Barfleur (2.1 m/s pendant le flot et un peu plus pendant le jusant) . Selon EDF, le potentiel techniquement exploitable en France est estimé entre 5 et 14 TWh/an.
Au Canada, dans la baie de Fundy, on trouve les plus grandes marées au monde. Les courants que l’on peut y rencontrer sont donc puissants, c’est-à-dire environ 3.6 m/s. D’ailleurs, OpenHydro a l’intention d’y placer deux hydroliennes qui produiront 2 MW chacune.
Situé dans l’Océan Atlantique, le Gulf Stream (un courant de surface) est l’un des courants les plus puissants. Avec un débit d’environ 85 millions de mètres cube par seconde et une vitesse moyenne variant de 1.2 à 2.7 m/s, il représente un gros potentiel hydrolien.
L'énergie hydrolienne en France
Projet « ferme pilote » ou « Normandie Hydro » (Raz-Blanchard)
Depuis 2009, DCNS et EDF se sont associés pour développer ensemble des projets dans l’hydrolien. Ils ont tous deux pour but de favoriser le développement de cette énergie. Ils concrétisent cette collaboration avec le projet « NORMANDIE HYDRO » qui consiste en la création d’une ferme de 14 MW exploitable pendant vingt ans et équipée de sept hydroliennes OpenHydro (DCNS étant devenu un actionnaire majeur de la strat-up irlandaise OpenHydro, spécialisée dans les hydroliennes).
Ce projet est décisif pour la validation des technologies et le modèle économique des fermes hydroliennes, sans oublier l’organisation industrielle nécessaire, avant le passage au stade industriel et la mise en service des premières fermes commerciales.
Cette ferme permet de confirmer les méthodes de construction, les méthodes d’installation des hydroliennes et le modèle architectural d’une ferme dans une zone à très fort courants et dans une optique préindustrielle. On peut également vérifier et contrôler la production d’une ferme complète en conditions réelles. Enfin, on a la possibilité de mettre en place et réaliser la maintenance d’un parc hydrolien.
La phase d’études programmée en 2015 concernait la finalisation de la conception technique du projet et du développement du site, l’obtention des autorisations administratives nécessaires et la poursuite de la concertation avec l’ensemble des acteurs du territoire (pêcheurs, associations, acteurs économiques, collectivités locales). Entre 2016 et 2018, on prévoit la construction et l’installation des turbines, la réalisation de la ferme et le raccordement avec le réseau électrique terrestre. L’exploitation et la maintenance de la ferme se ferait donc les 20 années suivantes.
EDF et DCNS espèrent, sur le plan économique et social, que le projet participera à la création d’une filiale génératrice d’emplois en France et qu’il permettra d’alimenter plusieurs milliers de foyers. En ce qui concerne l’environnement, ils prévoient d’effectuer un suivi environnemental qui permettra de mesurer et maîtriser l’impact de ces installations sur la faune et la flore marines.
Projet hydrolien EDF de Paimpol-Bréhat
Le projet est mené par EDF et consiste en l’installation de deux hydroliennes de seize mètres de diamètre, reliées à un convertisseur qui transforme l’énergie en courant continu afin de fournir 1MW d’électricité. Ces deux hydroliennes forment la première ferme en France et dans le monde, raccordée au réseau national de distribution d’électricité.
La construction de la première hydrolienne est achevée et une série de tests en rade de Brest ont été menés afin de vérifier ses performances mécaniques et électriques. La turbine, placée sur sa barge et équipée de son convertisseur, a été tractée en mer plusieurs jours ce qui a permis la simulation des courants marins et la réalisation de tests dans des conditions proches de celles qu’elle pourrait rencontrer dans les fonds marins. Après des essais concluants, elle a été immergée le 20 Janvier 2016.
Le convertisseur immergé, construit par GEPC, est installé sur le tripode de la première hydrolienne: il permet de convertir l’énergie hydrolienne en courant continu qui est ensuite acheminé jusqu’à un poste terrestre, situé près de la pointe de l’Arcouest, sur la commune de Ploubazlanec.
Ce projet permet pour la première fois en France et dans le monde, d’exploiter deux hydroliennes pilotées et raccordées au réseau par le même système. Cette étape d’essai technologique est primordiale pour le passage aux fermes pilotes. Grâce à ce projet, les groupes EDF et DCNS/OpenHydro bénéficient de résultats expérimentaux uniques pour la préparation du projet NORMANDIE HYDRO qui prévoit d’installer sept hydroliennes dans le Raz Blanchard, prévu pour l’année 2018.